Le contexte de la construction : une France en quête de modernité

Au début du XXe siècle, la France est en pleine transformation. L’électrification du pays devient un enjeu crucial pour répondre à une demande énergétique croissante, alimentée par le développement industriel et urbain. En parallèle, l’État cherche à redynamiser les zones rurales en les intégrant dans cette modernisation économique.

La vallée de la Truyère, avec son relief abrupt et son débit important, apparaît comme un site parfait pour un grand projet hydroélectrique. Dès les années 1920, l’idée de construire un barrage prend forme. C’est à la société électrique de Midi, devenue plus tard EDF, que revient l’immense tâche de mener à bien cette construction. L’objectif ? Exploiter la force de la Truyère, tout en assurant un stockage d’eau stratégique pour produire de l’électricité à grande échelle.

La construction : un défi humain et technique

Les travaux démarrent en 1931 et mobilisent une main-d'œuvre massive. On estime qu’environ 1500 ouvriers ont travaillé sur le chantier du barrage de Sarrans, venus pour la plupart des villages alentour, mais parfois de régions bien plus lointaines. Le chantier représente à l’époque une prouesse technique impressionnante : il s’agit de construire un ouvrage en béton de 225 mètres de long et de 105 mètres de haut, capable de retenir un immense volume d’eau.

Le béton armé, encore relativement nouveau dans les années 1930, est ici utilisé à une échelle gigantesque. Les conditions de travail, elles, sont dures : les ouvriers doivent affronter la rudesse du climat aveyronnais et manipuler des matériaux lourds avec les outils rudimentaires de l’époque. La construction est marquée par des incidents, parfois dramatiques, mais aussi par un esprit de solidarité entre travailleurs, qui partagent le même objectif : achever ce colosse de pierre et d’acier.

1934 : la mise en eau du barrage

Après environ trois années de travaux, le barrage de Sarrans est officiellement achevé en 1934 et marque les esprits par son envergure. À l’époque, il fait figure d’un des plus grands barrages d’Europe. Sa retenue, le lac de Sarrans, s’étend sur environ 1000 hectares, couvrant une portion importante de la vallée de la Truyère. Ce nouvel aménagement constitue une source d’énergie précieuse, produisant de l’électricité grâce à la centrale hydroélectrique attenante.

Mais la mise en eau du lac entraîne des bouleversements dans la région. Plusieurs villages sont partiellement ou totalement engloutis sous les eaux. Parmi eux, le hameau de Couesques disparaît presque totalement, emportant avec lui des siècles de vie rurale. Aujourd’hui encore, lorsque le niveau du lac baisse, on peut apercevoir les vestiges de ces anciens villages : une vision saisissante qui raconte ce passé englouti.

Un rôle crucial pendant la Seconde Guerre mondiale

Le barrage de Sarrans a également joué un rôle stratégique au cours de la Seconde Guerre mondiale. Occupé par les Allemands, il constitue une ressource précieuse pour alimenter leur effort de guerre en énergie. Mais ce n’est pas sans compter sur les résistants locaux, qui parviennent en 1944 à saboter certains équipements pour ralentir l’exploitation allemande. Ces événements soulignent l'importance symbolique et fonctionnelle du barrage dans un contexte de conflit.

60 000 m² d’entretien et une rénovation en 2014

Après plusieurs décennies de fonctionnement, le barrage de Sarrans a fait l’objet d’importants travaux de rénovation en 2014, visant notamment à renforcer sa structure et à améliorer son efficacité. Ces travaux ont nécessité une vidange complète du lac, une opération exceptionnelle qui n’avait pas été réalisée depuis 1952. Pendant quelques mois, la vallée de la Truyère a retrouvé son visage d’avant : les anciennes routes, ponts et villages submergés sont ressortis de l’eau, offrant un spectacle chargé d’émotions et d’histoire.

Cette vidange a également permis de réaliser des travaux d’inspection approfondie du barrage, une opération technique impressionnante mobilisant plongeurs, ingénieurs et experts. Aujourd’hui, cet entretien permet à l’ouvrage de continuer à produire jusqu’à 1,2 milliard de kWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique d’environ 250 000 foyers.

Un joyau hydraulique au cœur de la nature

Le barrage de Sarrans ne se résume pas à son rôle utilitaire. Il est devenu au fil des années un point d’intérêt incontournable pour les amateurs de patrimoine et de nature. Le lac qu’il génère est un véritable havre de paix apprécié des pêcheurs, des randonneurs et des adeptes de sports nautiques. Entre forêts, gorges et eaux calmes, c’est un lieu où l’on peut pleinement se déconnecter et apprécier la beauté brute de l’Aveyron.

Le barrage continue également d’inspirer des projets artistiques et culturels. Par exemple, lors de la vidange de 2014, plusieurs photographes ont immortalisé les paysages recréés par le retrait de l’eau, entre nature sauvage et traces de l’histoire humaine.

Un patrimoine vivant à préserver

Le barrage de Sarrans n’est pas seulement un témoin du passé : c’est un acteur clé de la transition énergétique de demain. En exploitant une énergie renouvelable et propre, il contribue activement à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais il nous rappelle également l’importance de préserver notre patrimoine naturel et culturel, tout en trouvant un équilibre avec les besoins humains.

En visitant le lac de Sarrans ou en longeant les sentiers qui entourent le barrage, on ne peut s’empêcher d’être fasciné par ce lien fort entre l’homme, la nature et la technologie. Que ce soit pour comprendre son fonctionnement, explorer les paysages ou simplement s’imprégner de son histoire, le barrage de Sarrans est une source d’émerveillement inépuisable.

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